Visas Schengen : quand la Cour précise les conditions dans lesquelles un Etat peut refuser leur octroi

par Rostane Mehdi, CERIC

Les Etats membres de l’Union délivrent chaque année plusieurs millions de visas « Schengen » de court séjour (Voir rapport de la Commission sur le fonctionnement de la coopération locale au titre de Schengen au cours des deux premières années de mise en œuvre du code des visas (COM 2012 648). Précieux viatique pour d’innombrables ressortissants d’Etats tiers, instrument au service d’une stratégie défensive, mécanisme permettant de canaliser les flux migratoires, les visas « Schengen » nourrissent espoirs et fantasmes.

Les conditions dans lesquelles ils sont accordés, ou refusés, restent, aux yeux de beaucoup (du moins à la périphérie de l’Union), nimbées d’un parfum d’arbitraire. C’est en cela que l’arrêt C 84/12 rendu le 19 décembre dans l’affaire Koushkaki c. RFA est intéressant car il donne à la Cour une occasion de préciser ce régime tel qu’il est défini par le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un Code communautaire des visas (ci-après code des visas). Lire la suite

Droit d’asile et précisions jurisprudentielles sur la clause de souveraineté du règlement Dublin

par Joanna Pétin, CDRE

Si l’on pouvait croire achevés les développements jurisprudentiels relatifs à la clause de souveraineté du règlement Dublin II, l’affaire Puid jugée en Grande Chambre le 14 novembre dernier (CJUE, G.C., 14 novembre 2013, Puid, C-4/11) démontre que des précisions sont encore nécessaires.

L’arrêt de la CJUE rendu dans l’affaire N.S. (CJUE, 21 décembre 2011, N.S., C-411/10 et C-493/10), faisait écho à la jurisprudence M.S.S. c. Belgique et Grèce de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Il affirmait que les Etats membres sont tenus par une obligation de mise en œuvre de la clause de souveraineté contenue à l’article 3§2 du règlement Dublin en cas de transfert d’un demandeur de protection internationale vers un Etat membre responsable où il existerait des défaillances systémiques du régime national d’asile. Cette clause de souveraineté permet en effet à un Etat membre de se déclarer responsable d’une demande de protection alors qu’il ne l’est pas en vertu des critères de détermination de l’Etat membre responsable établis par le règlement. Le jeu de cette disposition soulève certaines interrogations. Lire la suite

Quel avenir pour le comité de sécurité intérieure européenne (COSI) ?

par Pierre Berthelet, CDRE

Europol vient de publier son programme de travail[1] pour l’année 2014. Ce document  stratégique que le Conseil d’administration de l’office européen de police a adopté le 15 novembre 2013, fait référence à plusieurs reprises au Comité de sécurité intérieure ou COSI.  Prévu à l’article 71 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), le COSI (appelé aussi comité permanent de coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure) est une nouveauté du traité de Lisbonne. Une décision[2] adoptée par le Conseil de l’Union du 25 février 2010 vient préciser ses missions. Elle indique à l’article 2 qu’il « facilite, promeut et renforce la coordination des actions opérationnelles des autorités des États membres compétentes en matière de sécurité intérieure ». Lire la suite

La Cour de justice et les persécutions fondées sur l’orientation sexuelle, un tournant de la protection internationale ? CJUE, 7 novembre 2013, X., Y. et Z., C-199/12, C-200/12 et C-201/12

par Joanna Pétin, CDRE

L’homosexualité est pénalisée dans 76 pays du monde, et dans 5 d’entre eux, l’homosexualité est passible de la peine de mort. Les personnes homosexuelles subissent de graves violences dans certains Etats, du fait notamment d’une tendance homophobe majoritaire. Pourtant, ces personnes connaissent de grandes difficultés pour se voir reconnaitre une protection internationale, et principalement, le statut de réfugié. Lire la suite

Frontex et la question des droits de l’homme dans son rapport d’analyse des risques de 2013 : omission ou dépréciation?

par Francisco Sanchez-Rodriguez, CDRE

Cache misère des déboires de la politique migratoire actuelle, garde frontières de l’Europe, homme de main de la coalition européenne… Telles sont les circonlocutions dévolues à l’Agence Frontex (ci-après Agence ou Frontex), qui pointée du doigt sur la scène européenne, est aussi la grande spectatrice des drames humains qui jonchent les routes de l’immigration irrégulière en Méditerranée. Lire la suite

L’affaire Prism et ses suites : beaucoup de bruit pour rien ?

par Sylvie Peyrou, CDRE

L’ampleur que prend l’affaire « Prism », au gré des révélations distillées par la presse, est déconcertante à plus d’un titre. La molle indignation exprimée par certains gouvernements de pays européens, tels la France ou la RFA, pourrait sembler bien proche de la tartufferie ; quant aux réactions des institutions européennes, nombreuses et convergentes, l’interrogation se fait jour quant à leur réelle portée. Lire la suite

Non refoulement et droit à un recours effectif : le rappel des obligations conventionnelles des Etats dans l’arrêt du 10 octobre 2013, CEDH, K.K c. France, n°18913/11.

par Marie Garcia, CDRE

Dans la lignée de jurisprudences évoquées sur ce site (« Recours effectif et procédure accélérée en matière d’asile : l’écho luxembourgeois de la jurisprudence de la CEDH » par J.Pétin), la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) s’est à nouveau prononcée sur le cas d’un demandeur d’asile débouté dans le cadre d’une procédure prioritaire, en passe d’être renvoyé vers son pays d’origine (CEDH, 10 octobre 2013, K.K c. France, n°18913/11). Lire la suite

Lampedusa : chronique de drames annoncés

par Henri Labayle, CDRE

On ne peut qu’être étonné de la compassion provoquée par le spectacle dramatique que nous infligent les eaux du sud de la Méditerranée, au large de Malte comme de l’ile de Lampedusa. Interroger Google en tapant le nom de cette île aux eaux paradisiaques ne fait plus surgir des listes d’hôtel mais le sinistre décompte de centaines de morts et de disparus, souvent femmes et enfants de familles dévastées.

Sans que l’émotion de l’opinion publique italienne et européenne soit feinte, elle n’en est pas moins aveugle et sourde. Voici bien longtemps que des plages espagnoles à celles de Lampedusa ou au canal de Sicile, des drames abominables se jouent dans une parfaite indifférence, hormis celle des ONG et des chercheurs attachés à décrire l’impasse des sociétés occidentales face à la pression migratoire. Faut-il pour autant ouvrir le procès (facile) de l’Union européenne, de ses dirigeants, de ses agences comme Frontex ? Rien n’est moins certain. Lire la suite

La directive « retour » devant son juge : précisions importantes de la Cour de justice

par Marie Garcia, CDRE

Septembre aura été un mois fructueux pour la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive « retour » dans la suite de l’article). Lors de deux renvois préjudiciels, le juge de l’Union en a précisé le sens, au regard tout d’abord de la méconnaissance du droit d’être entendu dans le cadre d’une décision de prolongation de la rétention, et à propos ensuite de ses effets dans le temps. Lire la suite

De l’évaluation à la déception : le bilan du Programme de Stockholm mérite-t-il une suite ?

par Henri Labayle, CDRE

L’Espace de liberté, sécurité et justice a ceci de particulier qu’il s’est structuré, quasiment dès les origines en 1999, sous la forme de « Programmes » de travail quinquennaux, déclinés de façon opérationnelle par les institutions et les Etats membres. Avec un succès variable.

L’enthousiasme des nouveaux convertis, à Tampere, explique cette liturgie. Le premier Conseil européen thématique qui s’y tint à l’automne 1999 donna matière à un catalogue fait à la fois de détermination politique et de volonté concrète, thème par thème. La reconnaissance mutuelle et la protection subsidiaire en tirèrent la consécration que l’on sait. Lire la suite