par Géraldine Bachoué, CDRE
Depuis quelques semaines, les forces de l’ordre effectuent de nombreux contrôles d’identité et de titres de séjour dans le département des Alpes-Maritimes. Ces contrôles n’ont pas lieu qu’à la frontière, mais également dans certaines villes à l’intérieur du territoire français ou dans les trains en provenance d’Italie. Des associations de défense et quatre migrants ont saisi le Conseil d’État d’un référé-liberté, soutenant que cette recrudescence des contrôles revenait à rétablir un contrôle systématique à la frontière, ce qui serait contraire aux règles européennes.
Plus précisément, la requête avait pour objet de faire cesser les atteintes aux libertés fondamentales résultant de la décision non publiée du ministre de l’intérieur, révélée par l’existence, depuis le 11 juin 2015, d’une part de contrôles frontaliers permanents à des points fixes de la frontière franco-italienne ciblant de manière discriminatoire les seuls migrants et d’autre part de contrôles d’identité systématiques dans les trains en provenance de cette zone ciblant au faciès les mêmes populations.
Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté la demande, dans une ordonnance rendue le 29 juin 2015, estimant que les contrôles pratiqués à la frontière franco-italienne et à proximité ne font pas apparaître de méconnaissance manifeste du cadre légal et ne reviennent pas à rétablir un contrôle systématique à la frontière. Cette décision interpelle tant la réalité n’est pas celle décrite par le juge administratif. Au contraire, l’ampleur des contrôles par les autorités de police est indéniable : mi-juin, en à peine une semaine, les forces de l’ordre françaises avaient interpelé pas moins de 1439 migrants irréguliers dans les Alpes-Maritimes, dont 1097 ont été réadmis en Italie. Clairement donc, contre l’afflux massif record de clandestins, et sans doute dans l’attente de décisions européennes à la hauteur des enjeux (v. sur ce blog H. Labayle, « Agenda européen pour les migrations et protection des réfugiés : l’Europe n’est pas à la hauteur »), la France cherche la parade. Le Conseil d’État, lui, feint l’ignorance au moment d’apprécier les modalités de contrôle à la frontière ou à proximité de la frontière franco-italienne. C’est donc une décision discutable qui nous est offerte de lire.
1. Le contexte
L’ordonnance rendue en référé par le Conseil d’État s’inscrit dans une querelle franco-italienne relative aux contrôles à la frontière qui a débuté en 2011. Face à l’afflux massif d’étrangers irréguliers, venus à l’époque principalement de Tunisie, l’Italie avait décidé de leur octroyer des titres de séjour pour des raisons humanitaires et, en réponse, parce que la majorité de ces étrangers se dirigeait vers la France, cette dernière avait rétabli les contrôles à sa frontière avec l’Italie.
Cette pression migratoire intense a révélé, s’il en était besoin, les lacunes du dispositif Schengen. Car celui-ci permet encore aujourd’hui aux États parties de conserver la possibilité de rétablir temporairement les contrôles aux frontières. La querelle franco-italienne est symptomatique des limites du système actuel, démontrant la trop grande plasticité des dérogations permises par le Code frontières Schengen. La tolérance vis-à-vis de l’utilisation de la possibilité laissée aux États de rétablir les contrôles aux frontières, sans avoir nécessairement à se justifier, n’est pas contrebalancée par l’enthousiasme des États à se plier au dispositif. Pire, la mauvaise foi avec laquelle ils l’appliquent actuellement conduit à une renationalisation toujours plus forte des contrôles aux frontières. Croyant (ou faisant croire) que ces contrôles contribuent à renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière et le trafic de migrants, les États persistent à piétiner l’esprit, si ce n’est la lettre, des accords de Schengen.
Tel est le problème soulevé aujourd’hui par l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État, au moment où les autorités françaises refoulent des migrants arrivés en masse, originaires principalement du Soudan et des pays de la Corne de l’Afrique (Somalie, Éthiopie et Érythrée). Depuis le début de l’année, 54 000 migrants sont passés clandestinement en Italie via la Méditerranée et, face à cette augmentation significative des flux migratoires, la France a mis en place un dispositif renforcé de lutte contre l’immigration irrégulière. Première décision prise par les pouvoirs publics : rétablir les points de contrôle actifs 24 heures sur 24. Des moyens humains et matériels ont ainsi été apportés à la Police aux frontières, qui coordonne le dispositif.
Face à cette situation, le Président du Conseil italien Matteo Renzi exige plus de solidarité de la part des États membres de l’Union européenne, n’hésitant pas à menacer de l’exécution, le cas échéant, d’un « plan B », consistant à régulariser tous les migrants présents en Italie, ce qui leur permettrait de gagner légalement le reste de l’Europe. Mais l’État français, lui, continue sur la voie empruntée, celle du renforcement des contrôles. Au point que, sur la Côte d’Azur, les mailles du filet se resserrent. Fin juin, les immigrés clandestins étaient encore près de 200 à se trouver devant la frontière française, sur le littoral entre Menton et Vintimille, répartis dans des campements de fortune, sur les rochers de la digue et sous les arcades de la voie ferrée, face à des policiers et gendarmes français ayant reçu l’ordre de les bloquer.
Une situation qui ne semble pas émouvoir outre-mesure le Conseil d’État, qui ne prend même pas la peine de répondre à la condition première posée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative permettant d’accueillir un référé-liberté, à savoir la présence d’une liberté fondamentale à laquelle l’administration aurait porté une atteinte manifestement grave et illégale. Pourtant, ainsi que l’invoquaient les requérants (considérant 4), il ne fait guère de doute que plusieurs libertés fondamentales sont en cause : dignité humaine, liberté de circulation, droit d’asile, principe de non-discrimination. Il serait même possible d’invoquer le droit à l’hébergement d’urgence, consacré comme une liberté fondamentale depuis l’arrêt Fofana (Conseil d’État, 10 février 2012, requête n° 356456). Le juge des référés fait l’impasse sur la question et se borne à affirmer que les autorités françaises n’ont pas mis en place de contrôle permanent et systématique à la frontière franco-italienne et que les contrôles d’identité organisés dans le département des Alpes-Maritimes le sont dans des conditions respectant parfaitement le cadre légal. Sans doute cette décision n’a-t-elle rien de surprenant dès lors que les moyens avancés par les requérants n’étaient que très modestement étayés. Mais il n’est pas certain qu’elle soit juridiquement incontestable.
2. Le cadre juridique
L’ordonnance du 29 juin 2015 consacre ses deux plus longs considérants, les considérants 5 et 6, au rappel du cadre juridique applicable aux modalités de contrôle à la frontière. Le Conseil d’État commence par évoquer le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes. Ce règlement, communément appelé « Code frontières Schengen », vient consolider le régime juridique particulier de circulation des personnes sur le territoire des États signataires mis en place par les Accords de Schengen et leur convention d’application. Il prévoit, en son article 20, que « les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans que des vérifications soient effectuées sur les personnes, quelle que soit leur nationalité ».
Il ne faudrait pas se méprendre sur le sens de cette disposition et tel est l’objet principal de la démonstration du Conseil d’État. Le dispositif Schengen n’a pas pour objet de supprimer les frontières. Il se borne à poser le principe de suppression des contrôles aux frontières, ce qui est très différent. Concrètement, les pays de l’UE faisant partie de l’espace Schengen doivent supprimer tous les obstacles qui empêchent la fluidité du trafic aux points de passage routiers. Cette suppression des contrôles aux frontières intérieures est rendue possible par un renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’Union.
Si les contrôles sont en principe supprimés à l’intérieur de l’espace Schengen, y compris pour les ressortissants des États tiers, toute possibilité de contrôle à la frontière ou à proximité de la frontière n’est pas abolie pour autant et le Conseil d’État s’empresse de le rappeler (considérant 5). L’article 21 du Code frontières Schengen permet en effet aux autorités nationales de police d’exercer leurs compétences, y compris dans les zones frontalières intérieures, à condition que ces contrôles n’aient pas un effet équivalent aux vérifications frontalières. Autrement dit, il est en principe possible pour l’État de procéder à des vérifications à l’intérieur du territoire. C’est pourquoi le droit national organise des possibilités de contrôle dans les zones frontalières. Ainsi, par exemple, l’article 78-2 du code de procédure pénale prévoit la mise en place d’un régime spécifique du contrôle d’identité dans une zone de 20 km le long de la frontière avec les États membres de l’espace Schengen, ainsi que dans les ports, aéroports et gares ferroviaires ouverts au trafic international.
Il reste que, une fois le principe de la possibilité de procéder à des contrôles posé par l’article 21 du Code frontières Schengen, celui-ci le limite. Les vérifications autorisées dans les zones frontalières ne doivent pas avoir un effet équivalent à des vérifications frontalières et il revient au juge de s’en assurer. Il ne faudrait pas, en effet, que l’exercice des compétences de police par les autorités compétentes de l’État soit invoqué de façon systématique par cet État, sous peine de se soustraire à ses obligations et de vider le contenu du dispositif Schengen.
Une exception est néanmoins prévue par les articles 23 et suivants du Code frontières Schengen. Au prix d’une procédure stricte d’information des autres États et des institutions européennes, le risque de menace à l’ordre public permet à l’État de rétablir temporairement les contrôles à ses frontières. Cette possibilité de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures trouve son origine directement dans les traités : l’Union, en tant qu’espace de liberté, de sécurité et de justice, « assure l’absence de contrôles aux frontières intérieures » (art. 67 §1 TFUE) sous réserve de ne pas porter « atteinte à l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure » (art. 72 TFUE).
3. Le contrôle juridictionnel des vérifications réalisées par les autorités de police à l’intérieur du territoire
On l’a vu, l’article 21 du Code frontières Schengen autorise les contrôles dans les zones frontalières. Plus précisément, la suppression du contrôle aux frontières intérieures ne doit pas porter atteinte à l’exercice des compétences de police par les autorités compétentes des États membres en vertu du droit national, à l’exercice des contrôles de sûreté dans les ports ou aéroports, à la possibilité pour un État membre de prévoir dans son droit national l’obligation de détention et de port de titres et de documents, et à l’obligation des ressortissants de pays tiers de signaler leur présence sur le territoire d’un État membre.
Il est donc possible d’organiser, en droit interne, à la fois des contrôles d’identité à la frontière et à proximité et des contrôles des pièces ou documents sous couvert desquels les personnes de nationalité étrangère sont autorisées à circuler ou séjourner sur le territoire. Tel est le sens de l’article 78-2 du code de procédure pénale, mais aussi de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le juge des référés du Conseil d’État estime qu’il résulte de ces dispositions que des contrôles d’identité peuvent être organisés à la frontière franco-italienne et à proximité, ces contrôles étant décidés par le préfet ou le procureur (considérant 6).
Le Conseil d’État rappelle en outre que l’article 21 du Code frontières Schengen n’interdit pas l’exercice des compétences de police par les autorités nationales compétentes, à condition de ne pas rétablir, dans les faits, les contrôles aux frontières. Le Conseil d’État précise d’ailleurs, au détour du considérant 7, que ce rétablissement temporaire n’est possible que conformément aux articles 23 et suivants du Code procédure Schengen, c’est-à-dire uniquement en cas de menace grave à l’ordre public. Cet aspect n’est toutefois absolument pas invoqué par la représentante du ministre de l’Intérieur. Il faut dire que la réalisation d’une menace à l’ordre public aurait été difficile à prouver en l’espèce. D’abord parce que la notion d’ordre public est d’interprétation stricte, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (CJCE, 27 octobre 1977, Bouchereau, aff. 30/77, Rec. 1977, p. 1999). Ensuite parce que le Code frontières Schengen a été modifié dans un sens peu favorable au rétablissement des contrôles dans une situation telle que celle en cause en l’espèce, le règlement (UE) n° 1051/2013 du 22 octobre 2013 affirmant, dans l’alinéa 5 de son préambule, que « la migration et le franchissement des frontières extérieures (mais on ne voit pas pourquoi il en irait différemment pour les frontières intérieures) par un grand nombre de ressortissants de pays tiers ne devraient pas être considérés, en soi, comme une menace pour l’ordre public ou la sécurité intérieure ».
Toujours est-il que, pour accueillir le référé-liberté introduit devant lui, le Conseil d’État doit constater l’existence d’une méconnaissance caractérisée de la législation (art. L. 521-2 du code de justice administrative). Mais au vu des éléments dont il dispose et des informations recueillies à l’audience, le juge des référés considère que les contrôles contestés par les requérants n’excèdent manifestement pas le cadre légal, que ce soit par leur ampleur, leur fréquence ou leurs modalités de mise en œuvre (considérant 7). Et d’ajouter que, si les requérants estiment néanmoins que tel ou tel contrôle particulier a été effectué dans des conditions irrégulières, notamment discriminatoires, il leur appartient de saisir la juridiction compétente de leur cas particulier. En effet, la contestation d’un contrôle particulier ne se fait jamais directement devant le Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort, mais, selon les cas, devant le juge judiciaire ou devant le tribunal administratif (considérant 8).
Sur ce point, la possibilité reconnue aux personnes individuellement contrôlées de contester l’opération devant le juge judiciaire résonne de façon particulière, quelques jours seulement après que la Cour d’appel de Paris, dans une décision largement médiatisée, a engagé la responsabilité de l’État pour un contrôle au faciès, démontrant que les juges n’hésitent plus à sanctionner les discriminations dans ce domaine. Pour rappel, le juge judiciaire est compétent pour apprécier tous les recours portant sur un contrôle d’identité, qu’il soit de nature administrative ou judiciaire. Dans une décision n° 93-323 DC du 5 août 1993, le Conseil constitutionnel affirmait en effet qu’il « revient à l’autorité judiciaire (..) de contrôler en particulier les conditions relatives à la légalité, à la réalité et à la pertinence des raisons ayant motivé les opérations de contrôle d’identité ». C’est exactement ce qu’a fait la Cour d’appel dans sa décision du 24 juin 2015. Si le contrôle d’identité est défini par l’article 78-2 du code de procédure pénale comme une « invitation à justifier par tout moyen de son identité », cette invitation est de celles que l’on ne refuse pas et toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter au contrôle (celui-ci peut être utilisé pour rechercher et arrêter des délinquants et il a alors une finalité judiciaire, ou pour des motifs d’ordre public et il a alors une finalité de police administrative). Or, pour la Cour d’appel de Paris, le contrôle du juge ne peut s’exercer que s’il dispose de documents lui permettant d’avoir une idée précise du déroulement de l’opération et de ses éventuels incidents. En l’espèce, c’est donc le témoignage d’une personne ayant assisté au contrôle d’identité, qui affirme qu’il a été effectué en tenant compte de la seule apparence physique des passants, qui a permis à la juridiction judiciaire d’en déduire la responsabilité pour faute lourde du service public de la justice, sur le fondement de l’article L 141-1 du code de l’organisation judiciaire.
Tel était clairement ce que les migrants à l’origine du référé-liberté devant le Conseil d’État reprochaient aux autorités de police : des contrôles au faciès sans aucun respect des garanties procédurales dues aux personnes concernées (v. le refus opposé par l’officier de police judiciaire aux demandes faites par un avocat de consulter les dossiers d’interpellation et d’audition de ses clients). Si, dans sa décision du 29 juin 2015, le juge des référés du Conseil d’État rejette finalement la requête de référé-liberté introduite devant lui, un point mérite pourtant d’être discuté, à savoir la facilité avec laquelle le Conseil d’État affirme que les contrôles effectués dans la zone frontalière franco-italienne n’équivalent pas à des vérifications aux frontières. En reliant simplement ce constat aux éléments dont il dispose et aux informations recueillies à l’audience, sans étayer sa motivation, le raisonnement du juge interpelle.
Pour des raisons de bon sens, d’abord. Affirmer que les contrôles litigieux ne sont pas permanents et systématiques contraste avec la consigne du ministère de l’intérieur de ne pas laisser passer les migrants, consigne qui a été confirmée à l’Agence France-Presse par les forces de l’ordre et par la préfecture des Alpes-Maritimes. Par ailleurs, selon toutes les descriptions faites par les médias et les témoins de ces contrôles et par les requérants eux-mêmes, les trains en provenance de la zone frontalière sont systématiquement contrôlés (voir pour exemple, « À Vintimille, la police française organise un blocus illégal », Médiapart, 16 juin 2015 ; « À Vintimille, les migrants tiennent malgré l’épuisement », RFI, 19 juin 2015). Le systématisme des contrôles au faciès et le nombre important de remises, qui dépasse le nombre de refus d’entrée pris lorsque la France a rétabli de manière temporaire les contrôles frontaliers en 2011, montrent qu’en réalité ces contrôles ont un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières extérieures.
Pour des raisons juridiques, ensuite. Il n’est pas certain que l’ordonnance du 29 juin 2015 rendue par le juge des référés du Conseil d’État respecte la jurisprudence Melki de la Cour de justice rendu cinq ans auparavant (CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, aff. jointes C-188/10 et C-189/10, Rec. CJCE 2010, p. I- 5665). Si cette décision avait fait l’objet à l’époque d’abondants commentaires de la part de la doctrine française, ceux-ci étaient essentiellement centrés sur la question soulevée par la Cour de cassation (CCass, 16 avril 2010, n° 10-40.002 ; CCass, 29 juin 2010, QPC, n° 10-40.001) de la compatibilité du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité avec les exigences du droit communautaire. De ce fait, la question de fond soulevée par l’affaire était passée relativement inaperçue. Or celle-ci concerne directement la querelle franco-italienne qui occupe aujourd’hui le Conseil d’État.
À l’origine de l’arrêt Melki, se trouve une affaire finalement assez ordinaire de contestation devant le juge des libertés d’une décision de rétention administrative prise par le préfet du Nord à l’encontre de deux ressortissants algériens démunis de titres de séjour. La décision avait été adoptée à la suite de l’interpellation de ces deux personnes à proximité de la frontière avec la Belgique, en application de l’article 78-2 du code de procédure pénale. Était alors posée la question de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne de cet article qui, on l’a vu, permet, par dérogation au principe de disparition des contrôles aux frontières, d’opérer des contrôles, notamment dans une bande de 20 km le long de la frontière. Dans son arrêt Melki, la Cour de justice n’a pas souscrit à l’interprétation défendue par l’État français, selon lequel le maintien des contrôles dans la zone frontalière aurait été pensé comme une compensation partielle à la disparition des contrôles aux frontières. Au contraire, la Cour a condamné la législation française, estimant que la systématicité de contrôles opérés indépendamment du comportement des personnes contrôlées dans cette zone s’analysait comme impliquant des contrôles à effet équivalent à ceux qu’engendrait le franchissement de la frontière.
Clairement donc, au-delà de la posture militante et malgré ce qu’en dit le juge des référés du Conseil d’État, les contrôles d’identité français réalisés actuellement dans la bande des 20 km le long de la frontière italienne méconnaissent la lettre et l’esprit du dispositif Schengen. On ne peut que regretter que le Conseil d’État l’ait à ce point ignoré…