Le Professeur Labayle à la fin de son analyse de l’arrêt C.K. et autres, (C-578-16 PPU) se demandait s’il était « vraiment déraisonnable de penser que la requérante syrienne et son mari, dont l’enfant était né entre temps en Slovénie et qui était vraisemblablement éligible, pouvaient recevoir protection dans cet État en raison de leur vulnérabilité ». Une telle question n’a rien de déraisonnable. Bien au contraire. La prise en compte effective de la vulnérabilité particulière de la requérante mettait en effet à la charge des autorités et des juridictions slovènes une obligation de protection renforcée.
Avant toute chose, un rappel des faits s’impose. Mme C.K. et son mari H.F. sont entrés dans l’UE grâce à un visa délivré par les autorités croates. Après être entrés en Slovénie pour y déposer une demande de protection internationale, les époux, dont Mme C.K. enceinte, ont été placés sous le coup d’une procédure Dublin. Classiquement alors, en application du règlement Dublin, une requête de reprise en charge a été adressée à la Croatie, qui cette dernière l’a acceptée. Or, en l’espèce, en raison de son état de santé mentale fragilisé (dépression post-partum et tendances suicidaires périodiques), Mme C.K. alléguait un risque de détérioration grave de son état en cas de transfert. Se posait ainsi la question de la conformité d’un tel transfert au regard du droit de l’UE et du respect des droits fondamentaux de la requérante. Plus précisément, dans des circonstances telles que celles au principal, ce transfert conduit-il à exposer la requérante à un risque de traitement inhumain ou dégradant contraire à l’article 4 de la Charte ?
S’écartant, bien heureusement des conclusions de son avocat général, la CJUE œuvre à la sensibilisation du système Dublin au respect effectif des droits fondamentaux des demandeurs d’asile. Mais plus encore, c’est de l’incidence de la vulnérabilité sur le processus de détermination de l’État membre dont il est question dans cette affaire. Les dispositions imposant une considération de la vulnérabilité particulière de certains demandeurs sont marginales dans le règlement Dublin III, comme dans les précédents règlements d’ailleurs. Or, ce 16 février 2017, les juges de l’UE font clairement entrer la vulnérabilité, ici celle des personne atteintes de troubles psychiatriques, dans le champ du système Dublin.
On verra alors que si la solution des magistrats de Luxembourg imposant de procéder à la suspension d’un transfert Dublin pour des motifs liés à l’état de santé du demandeur s’inscrit dans une logique évidente (I), elle semble toutefois incohérente en ne reconnaissant pas une obligation de mise en œuvre de la clause de souveraineté eu égard à la vulnérabilité particulière de la requérante (II). Il est vrai que, dans les circonstances de l’espèce, une procédure d’examen menée de manière diligente aurait permis à la Slovénie d’octroyer rapidement une protection internationale à Mme C.K. et sa famille (III).
1. De la logique évidente d’une suspension de transfert en raison de l’état de santé du demandeur
Par cet arrêt C.K., la CJUE vient lever toutes les ambiguïtés concernant les cas d’empêchement à l’exécution d’un transfert Dublin. Depuis l’affaire N.S. et autres, (C-411-10) et (C-493-10), il était tentant de considérer que seule l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil de l’État membre responsable, qui exposeraient le demandeur à un traitement inhumain ou dégradant, justifiait de surseoir à l’exécution d’un transfert. Le libellé de l’article 3§2 alinéa 2 du règlement Dublin III et l’arrêt Abdullahi (C-394/12) confortaient en effet une telle position. Pourtant, ce 16 février 2017, les juges clarifient la situation : un empêchement au transfert ne saurait exclusivement résulter de l’existence de défaillances systémiques dans l’État membre responsable (para.92). Pour la CJUE, « le transfert d’un demandeur d’asile dont l’état de santé est particulièrement grave [peut] en lui-même, entrainer, pour l’intéressé, un risque réel de traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte, et ce indépendamment de la qualité de l’accueil et des soins disponibles dans l’État membre responsable de l’examen de sa demande » (para.73).
Statuant de la sorte, les juges de l’UE prennent enfin acte de la notion et de la fonction de la vulnérabilité dans le champ du règlement Dublin. Dans l’hypothèse où l’état de santé d’un demandeur de protection est préoccupant, la CJUE reconnait que l’État membre de renvoi a l’obligation de procéder à un examen méticuleux de l’impact sur le demandeur concerné de son transfert vers l’État membre responsable de sa demande. Corrélativement, les États doivent prendre les mesures nécessaires pour que ce transfert ait lieu dans des conditions permettant d’éviter toute dégradation significative et irrémédiable de son état de santé (para.73 à 77). Si, à l’issue de cet examen, les précautions prises ne suffisent pas pour exclure tout risque de traitement inhumain ou dégradant, l’État membre de renvoi doit surseoir à l’exécution du transfert, et ce aussi longtemps que le demandeur concerné n’est pas apte à voyager (para.85). Faut-il s’étonner de cette solution ? Tout porte à croire que non.
Tout d’abord, cet arrêt C.K. marque une volonté de mise en cohérence de la jurisprudence de l’UE avec celle de la CourEDH. On pense évidemment ici aux arrêts rendus notamment dans les affaires Paposhvili contre Belgique, Tarakhel contre Suisse, ou encore Aswat contre Royaume-Uni. D’ailleurs, et contrairement à ce qu’avançait son avocat général, la CJUE n’hésite pas à rappeler que les États membres, dans l’application du règlement Dublin, sont liés par la jurisprudence de la CourEDH (para.63). Cette solution de la CJUE, somme toute logique et dans la lignée des prescriptions du Conseil de l’Europe en matière de retour forcé (voir les principes directeurs n°16 et 17 en matière de retour forcé), permet ainsi aux États membres de sortir de leur « position inconfortable, [souvent] pris entre le marteau et l’enclume d’une condamnation à Strasbourg ou à Luxembourg » (H. Labayle, op.cit.).
Mais au-delà de cette mise en cohérence des jurisprudences luxembourgeoises et strasbourgeoises, d’autres arguments exigeaient que soit reconnue une obligation de suspension des transfert Dublin en raison de l’état de santé des demandeurs d’asile.
L’état de santé mentale précaire d’un individu compte en effet au rang des critères de vulnérabilité contenus dans le RAEC, critères auxquels les États membres doivent prêter attention (article 21 directive Accueil refondue). Au titre de la vulnérabilité particulière des demandeurs d’asile souffrant de troubles mentaux, les États ont une obligation de protection renforcée. Si ce principe général est établi clairement dans la directive Accueil refondue ou encore dans la directive Procédures refondue, la mise en œuvre du règlement Dublin ne peut passer outre une considération effective des implications d’une prise en charge adaptée des personnes vulnérables. D’ailleurs, le considérant n°11 du règlement, intégrant les prescriptions de la CJUE dans l’affaire Cimade et Gisti (C-179/11), souligne que la directive Accueil refondue s’applique en cours de procédure Dublin. Ainsi, les autorités nationales doivent tenir compte de la vulnérabilité particulière de certains demandeurs d’asile au stade de la détermination de l’État membre responsable. L’arrêt C.K. reflète clairement cet impératif.
Le manquement des autorités nationales à considérer la vulnérabilité particulière d’un demandeur d’asile en cours de procédure Dublin les conduit à mener un examen approximatif, et donc inadéquate, de la situation du demandeur. En ce sens, cette carence peut tout à fait fonder un recours contre la décision de transfert. L’arrêt Ghezelbash, (C-63-15) conforte cette affirmation. Les juges y établissent que l’article 27§1 du règlement Dublin III relatif au droit de recours « ne mentionne aucune limitation des arguments susceptibles d’être invoqués par le demandeur d’asile dans le cadre de ce recours » (para.36). Toute omission de la part des autorités nationales à considérer et à tenir compte de la vulnérabilité particulière d’un demandeur de protection peut ainsi fonder un recours contre une décision Dublin.
D’ailleurs, alors que le règlement Dublin se targue dès son préambule de respecter les droits fondamentaux tels que garantis notamment par la Charte (considérant n°39), il faut là aussi relever l’incidence de la vulnérabilité sur l’appréciation du risque d’exposition à un traitement inhumain ou dégradant. On le sait, le déclenchement de la protection offerte au titre de l’article 3 de la CEDH, et partant de l’article 4 de la Charte, exige que le mauvais traitement en cause atteigne un certain seuil de gravité. La CJUE dans l’arrêt C.K. le rappelle (para.68). Or, « l’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment […] du sexe, de l’âge, de l’état de santé de la victime » (voir i.e. CourEDH, 1er septembre 2015, Khlaifia et autres contre Italie, n°16483/12, para.117). Clairement, l’état de santé d’un individu est un élément d’appréciation de la gravité d’un traitement. La vulnérabilité, en tant que circonstance aggravante, abaisse le seuil de déclenchement de la protection offerte par les articles 3 de la CEDH ou 4 de la Charte. Mais la vulnérabilité est aussi un élément d’appréciation du type de traitement en cause. Elle déplace le curseur entre les qualifications de traitements inhumains ou dégradants et de tortures (voir en ce sens CourEDH, 28 septembre 1997, Aydin contre Turquie, n°23178/94, para.83 à 86 ; 28 juillet 1999, Selmouni contre France, n°25803/84, para.100). L’influence de la vulnérabilité est ainsi non négligeable. Elle réduit considérablement la marge d’appréciation des États membres dans la mise en œuvre du règlement Dublin.
Finalement, pour l’ensemble de ces raisons, la solution de la CJUE, certes louable, se justifiait. L’état de santé mentale comptant au rang des critères de vulnérabilité, dont la non considération effective au cours du processus Dublin peut fonder un recours, en raison notamment de l’incidence de la vulnérabilité sur la qualification d’un traitement inhumain ou dégradant, l’obligation de suspension d’un transfert pour des motifs de santé est d’une logique évidente. Pourtant, au nom de la vulnérabilité, la Cour pouvait aller plus loin.
2. De l’incohérence de l’absence de reconnaissance d’une obligation de mise en œuvre de la clause de souveraineté
On l’a dit, dans l’arrêt C.K., la CJUE reconnait une obligation de suspension du transfert en raison de l’état de santé précaire d’un demandeur, dans l’hypothèse où ce transfert l’exposerait à une détérioration significative et irrémédiable de son état, malgré les précautions prises par l’État membre de renvoi pour lever tout doute sérieux sur l’exposition éventuelle à un traitement inhumain ou dégradant (voir para.81-84, échanges de données relatives à l’état de santé, organisation d’un transfert en compagnie de personnel médical, muni des ressources et médicaments nécessaires, …).
Les juges de l’UE ne se risquent toutefois pas à la reconnaissance d’une obligation de mise en œuvre de la clause discrétionnaire contenue à l’article 17§1 du règlement (ci-après clause de souveraineté) permettant à l’État membre de renvoi de décider souverainement d’assumer la responsabilité du traitement de la demande. C’est regrettable. Ils se limitent à préciser que si « l’état de santé du demandeur d’asile concerné ne devrait pas s’améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquerait d’aggraver l’état de l’intéressé », alors l’État membre de renvoi pourra finalement décider d’examiner la demande lui-même (para.88). En tout état de cause, la responsabilité de cet examen lui reviendra si le transfert n’a pu être exécuté dans un délai de 6 mois, conformément à l’article 29§1 du règlement (para.89). Aucune obligation de mise en œuvre de la clause de souveraineté n’a été envisagée par la CJUE. Pourtant, un argument appelle à ce que les États membres se saisissent de l’article 17§1 du règlement lorsqu’ils sont face à des demandeurs d’asile vulnérables et assument la responsabilité du traitement de leur demande. Il s’agit de la durée d’attente d’exécution du transfert qui peut être qualifiée d’excessive et de déraisonnable en raison de la vulnérabilité particulière du demandeur concerné.
Dans son arrêt N.S., la CJUE affirme que les États membres doivent surseoir à l’exécution du transfert en raison des défaillances systémiques constatés dans l’État membre de destination mais se refuse à reconnaitre une obligation de mise en œuvre de la clause de souveraineté. Les États membres doivent poursuivre l’examen des critères de détermination de responsabilité. Toutefois, les juges de l’UE reconnaissent que les autorités nationales doivent néanmoins veiller « à ne pas aggraver une situation de violation des droits fondamentaux par une procédure de détermination de l’État membre responsable qui serait d’une durée déraisonnable » (para.108, C-411/10 et C-493/10). Or, la vulnérabilité a pu être identifiée par la CourEDH comme un motif de sanction de la durée excessive des procédures. L’appréciation du caractère raisonnable d’un délai ou d’une durée étant relative par essence, la vulnérabilité devient un facteur effectif d’appréciation. Dans l’arrêt S.Z., par exemple, les juges de Strasbourg ont sanctionné les autorités bulgares sur le terrain du volet procédural de l’article 3 de la CEDH en raison de la durée excessive d’une enquête au regard de la vulnérabilité particulière du requérant, à savoir « un état psychologique très vulnérable à la suite de son agression » (CourEDH, 3 mars 2015, S.Z. contre Bulgarie, n°29263/12, para.52).
Aussi, le suspension du transfert ordonné dans des circonstances telles que celles au principal pose clairement la question du caractère déraisonnable de cette attente lorsqu’il s’agira de patienter jusqu’à l’échéance du délai de 6 mois pour que la responsabilité du traitement de la demande revienne finalement à l’État membre de renvoi. Ainsi, tout incite à recommander que la clause de souveraineté soit mise en œuvre dès que l’impossibilité à exécuter le transfert a été constatée. L’attribution de responsabilité doit en effet se faire dans les meilleurs délais pour satisfaire à une prise en charge adaptée aux besoins particuliers de protection des personnes vulnérables. D’ailleurs, cet arrêt C.K. n’a-t-il pas été rendu suivant la procédure préjudicielle d’urgence en raison de l’état de santé de la requérante qui exigeait que « la question de son statut [soit] réglée dans les plus brefs délais » (para.48) ?
3. De la possibilité d’accès rapide à une protection internationale
En ne reconnaissant pas une obligation de mise en œuvre de la clause de souveraineté, la CJUE fait preuve d’un manque de courage certain sur le besoin de prise en compte effective de la vulnérabilité particulière de certains demandeurs d’asile. Et d’autant plus, qu’au regard des données de l’espèce, la mise en œuvre de cette clause de souveraineté par la Slovénie aurait permis à la requérante et à sa famille d’accéder rapidement à une protection internationale, et ce, avant l’expiration du délai de 6 mois au terme duquel la responsabilité de l’examen de la demande lui revenait (para.89 arrêt C.K.).
Suivant la logique de ne pas exposer la personne vulnérable à une durée excessive de procédure, la directive Procédures refondue prévoit que les États membres peuvent décider d’examiner en priorité les demandes de protection internationale déposées par des individus vulnérables (article 31§7b). Le traitement prioritaire ne doit toutefois être confondu avec l’examen accéléré des demandes. La priorisation de la demande présentée par une personne vulnérable revient à examiner la demande avant d’autres demandes introduites préalablement, sans déroger aux garanties et principes de la procédure ordinaire (considérant 19 directive Procédures refondue).
Par principe, en première instance, la procédure d’examen ordinaire doit être menée dans un délai de 6 mois à compter de l’introduction de la demande (article 31§3 directive Procédures refondue). Aussi, la priorisation du traitement d’une demande présentée par une personne vulnérable, à l’instar de la requérante au principal, permet de conclure que l’examen de sa demande pourrait être mené à son terme dans les meilleurs délais et, à tout le moins, avant l’expiration de ce délai de principe de 6 mois. Autrement dit, ne pas déclencher la clause de souveraineté dans des circonstances telles que celles au principal revient à exposer la personne vulnérable à un risque de procédure de plus de 12 mois avant qu’une première décision sur le fond de la demande ne soit rendue : 6 mois d’attente avant l’expiration du délai de transfert attribuant la responsabilité du traitement à l’État membre de renvoi + 6 mois de procédure avant une décision en première instance. Une telle situation serait contraire au besoin de prise en charge adaptée des demandeurs d’asile vulnérables. Finalement, si la Slovénie avait mis en œuvre la clause de souveraineté et assumait la responsabilité du traitement de la demande de la requérante, en optant pour un examen prioritaire de celle-ci, une première décision sur le fond de la demande de Mme C.K. et sa famille aurait pu être prise rapidement et aurait donc permis d’apaiser les angoisses et anxiété de la requérante au sujet de son avenir, source de ses troubles psychiatriques notamment.
D’ailleurs, le cas de Mme C.K. et de sa famille n’était pas des plus complexes. Il aurait pu être aisé pour les autorités slovènes de conclure au besoin de protection internationale des requérants. Il faut en effet rappeler que Mme C.K. est de nationalité syrienne. Peu de débats existent aujourd’hui sur la réalité du besoin de protection internationale des personnes originaires de Syrie. Mais si des doutes subsistaient, il est important de souligner que la vulnérabilité particulière d’un demandeur d’asile est un élément devant être dûment considérer au stade de l’examen de la demande pouvant conduire à l’octroi d’une protection internationale sur ce fondement.
La vulnérabilité constitue en effet un élément à part entière de l’appréciation des possibilités de fuite interne à la disposition de la personne sollicitant une protection. Au moment d’appréciation la réalité des possibilités de fuite interne, les autorités nationales doivent en effet tenir compte de la situation générale dans le pays d’origine mais aussi de la situation individuelle du demandeur (article 8§2 directive Qualification refondue). L’incidence de la vulnérabilité à ce stade est ainsi bien réelle. La vulnérabilité particulière d’un individu peut en effet clairement empêcher de considérer une alternative de fuite interne comme raisonnable. Dans le cas d’espèce, il est clair que les troubles psychiatriques dont souffrent la requérante, mais aussi la présence d’un enfant en bas âge, ne permettent pas de conclure au caractère raisonnable d’une possibilité de fuite interne en Syrie.
Enfin, si les troubles psychiatriques de Mme C.K. peuvent difficilement ouvrir droit à la protection découlant de la Convention de Genève, ils peuvent justifier a contrario l’octroi de la protection subsidiaire. La reconnaissance du statut de réfugié à des demandeurs d’asile sur le fondement de leurs troubles mentaux est a priori impossible. Sauf à considérer, suivant la jurisprudence de la CourEDH reconnaissant l’existence du groupe vulnérable des personnes atteintes des troubles mentaux (CourEDH, 20 mai 2010, Alajos Kiss contre Hongrie, n°38832/06, para.42), que ces individus appartiennent à un groupe social particulier, persécuté dans leur pays d’origine, en raison de leur état de santé mentale. Mais dans l’attente de cet élargissement de l’accès à la protection conventionnelle, c’est vers la protection subsidiaire que l’on peut plus facilement se tourner. Comme indiqué précédemment, la vulnérabilité représente un élément d’appréciation de l’existence d’un traitement inhumain ou dégradant. Or, l’exposition à de tels traitements en cas de renvoi dans le pays d’origine justifie la reconnaissance du bénéfice de la protection subsidiaire (article 15 point b) directive Qualification refondue). La vulnérabilité a ainsi une place évidente dans l’évaluation du besoin de protection subsidiaire des personnes vulnérables, telle que la requérante au principal.
Au final, les troubles psychiatriques de la requérante justifient qu’elle soit considérée comme une personne vulnérable et soit, par conséquent, prise en charge en tant que telle. À ce titre, la suspension de son transfert doit être ordonnée, dans l’hypothèse où il ne la protégerait pas effectivement contre un risque de traitement inhumain ou dégradant. Plus encore, sa vulnérabilité particulière exigerait que la clause de souveraineté soit mise en œuvre par l’État membre de renvoi afin de lui éviter certes le transfert, mais surtout une procédure d’asile d’une durée excessive et déraisonnable au regard de sa situation individuelle. Des précautions et des garanties procédurales spéciales doivent en effet être mises en place pour les demandeurs vulnérables, pour qui, on l’a dit, la protection subsidiaire représente souvent le dernier rempart d’une prise en compte effective de leur vulnérabilité particulière.