Blandine Thellier de Poncheville, CDP, Université Jean Moulin Lyon 3
Ces dernières années, l’actualité pénale a été marquée par la reconnaissance du droit d’être assisté par un avocat pendant les interrogatoires au cours de la garde à vue sous l’impulsion de la CEDH, suivie, en France, du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation. Ce droit a été finalement introduit dans le Code de procédure pénale par la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue qui a encadré l’intervention de l’avocat. Notamment celui-ci ne peut pas avoir accès au dossier et son assistance est limitée aux seules auditions et confrontations pendant la garde à vue.
Ces deux points ont fait l’objet d’une QPC mais le Conseil constitutionnel a écarté les griefs d’inconstitutionnalité dans sa décision du 18 novembre 2011 et il n’a émis qu’une réserve d’interprétation au sujet de « l’audition libre ». Or, deux propositions de directive, si elles sont adoptées, pourraient remettre en cause ces solutions.
Il s’agit, d’une part, de la proposition de directive relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales adoptée par le Parlement européen le 13 décembre 2011 et, d’autre part, de la proposition de directive relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l’arrestation. Ces deux propositions de directive, prises sur le fondement de l’article 82 § 2 du TFUE, s’inscrivent dans la mise en œuvre de la feuille de route, adoptée par le Conseil le 30 novembre 2009 et intégrée au programme de Stockholm, visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Cette harmonisation minimale, qui ne permettrait en aucun cas de réduire les garanties procédurales consacrées par la CESDH ou le droit interne des Etats membres, faciliterait ainsi l’application du principe de reconnaissance mutuelle en confortant la confiance réciproque des Etats dans leurs systèmes de justice pénale respectifs.
Ces deux propositions de directive définissent des règles qui seraient applicables aux procédures pénales internes et aux procédures d’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Elles ont donc un domaine qui ne se limite pas à la garde à vue ou à l’enquête. Toutefois, c’est ces deux aspects procéduraux qui pourraient être le plus bouleversés en droit interne.
Tout d’abord, concernant la garde à vue, il résulte de la proposition de directive relative au droit à l’information que la personne placée en garde à vue ou son avocat devrait pouvoir avoir accès à tous les procès-verbaux permettant de justifier les soupçons ayant motivé cette mesure et pas seulement aux pièces visées à l’article 63-4-1 du C.P.P. (art. 7 § 1 tel que modifié par le Parlement européen). En outre, la proposition de directive relative au droit d’accès à un avocat prévoit que l’assistance de l’avocat pendant les interrogatoires ne pourrait être retardée que sur décision de l’autorité judiciaire ce qui exclurait la compétence du Procureur de la République (art. 8).
Ensuite, concernant les autres actes d’enquête, la proposition de directive relative au droit d’accès à un avocat retient que la personne soupçonnée ou poursuivie bénéficierait de ce droit pour tous les actes de procédure, mesure d’enquête ou de recueil de preuve qui doivent ou qui peuvent être réalisés en présence de la personne concernée selon le droit national (art. 3 § 1 b) et art. 4 § 3). Une telle solution permettrait ainsi d’assurer l’assistance de l’avocat pendant les perquisitions et saisies. Néanmoins, la proposition de directive écarte expressément cette assistance si l’obtention de preuve risque d’être compromise. Enfin, la personne entendue librement pourrait être assistée d’un avocat sans être placée en garde à vue.
Ces deux propositions de directive mériteraient une étude plus approfondie pour laquelle nous renvoyons à la Chronique de Droit pénal de l’Union européenne à paraître au deuxième numéro de la Revue pénitentiaire et de droit pénal de cette année 2012.