Par Maxime Barba, IDCEL – EDIEC
L’exequatur sous le regard de la Cour européenne des droits de l’homme – Mémoire de master 2 recherche Droit international privé et comparé / sous la direction du Professeur Louis d’Avout. – Lyon : Équipe de Droit International, Européen et Comparé, 2012. – 88 p. – (Les Mémoires de l’Équipe de Droit International, Européen et Comparé : n° 2.)
Véritable Institution du droit international privé, l’exequatur est aujourd’hui en recherche de légitimité dans les instances supranationales. Dans la Petite Europe, son sort n’est pas encore réglé. Encore faut-il savoir si la Grande Europe ne l’a pas déjà scellé en le mettant à l’épreuve du procès équitable et des garanties substantielles. Par une analyse systématique de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’homme relative à la reconnaissance et l’exécution des décisions, c’est notamment à cette question que nous avons tenté de répondre. Qu’on l’approuve ou la désapprouve, l’influence des droits fondamentaux sur l’exequatur est aujourd’hui considérable.
Les juges de Strasbourg ont ainsi soumis l’exequatur à différentes contraintes. La première de ces contraintes fut celle du procès équitable, inscrit dans l’article 6§1 de la CESDH. Tantôt invoquée à l’encontre du jugement étranger, comme motif de non-reconnaissance prioritaire, la due process clause européenne est aujourd’hui de plus en plus convoquée en faveur de la reconnaissance de ces mêmes jugements.
Envisagé en tant qu’argument de non-reconnaissance, l’article 6§1 a connu des interprétations différentes. De la jurisprudence Drozd et Janousek au fameux précédent Pellegrini, les exigences de la Cour européenne se sont accrues à l’égard du jugement étranger, en termes de droits procéduraux. Le maintien d’un tel standard maximal est néanmoins incertain, au vu des jurisprudences les plus récentes.
Appréhendé à l’inverse tel un motif de reconnaissance obligatoire, l’article 6§1 connait un renouveau. L’extension de la jurisprudence Hornsby relatif au droit à l’exécution des décisions à la sphère internationale a été discutée en doctrine. Elle semble en tout cas avoir été consacrée par une décision McDonald, paraissant faire du procès équitable le premier sésame idéal des jugements étrangers.
La seconde contrainte imposée à l’exequatur fut celle des garanties substantielles de la CESDH, article 8 en ligne de front. Ces garanties, très rarement invoquées comme motif de non-reconnaissance, semblent au contraire devenir des arguments de reconnaissance et d’exécution obligatoires. Des questionnements proches en termes de reconnaissance de plano des décisions étrangères ont d’ailleurs pu être évoqués.
Du rapprochement des célèbres jurisprudences Wagner et Negrepontis-Giannisis, l’article 8 s’est vu attribué les potentialités les plus larges en termes de reconnaissance obligatoire des jugements étrangers. En rupture, la décision Green et Fahrat parait offrir un contrepoids à ces interprétations amplifiantes, qui voient dans la protection de la vie privée et familiale un second sésame des jugements étrangers statuant en matière d’état des personnes.
De façon transversale, la question se pose ultimement de savoir si les Etats parties se trouvent obligés, à raison du procès équitable ou de l’une ou l’autre des garanties substantielles, de reconnaître les jugements en provenance de l’étranger. La réponse est en demi-teinte. Plus que de véritables obligations de reconnaissance, il semble que la Cour européenne des droits de l’Homme sanctionne les refus d’exequatur teintés d’un protectionnisme excessif. Le juge de l’instance indirecte, devant les attentes des parties, devra réserver un souci trop exclusif de protection de son for. Les normes les plus singulières de son ordre juridique devront, le cas échéant, être désactivées en perspective de réaction. Cela étant, la consécration d’un droit subjectif absolu à la reconnaissance et à l’exécution des jugements étrangers ne parait pas d’actualité.
En tout état de cause, l’Europe est devenue un passage obligatoire s’agissant de la science de l’exequatur, forçant encore une fois le juriste national à de nouvelles réflexions internationales. L’Europe des droits de l’Homme trouve encore sa place dans ces réflexions.