Et si l’ELSJ était bel et bien l’avenir de l’Union européenne ? Sur bon nombre de sujets difficiles qui questionnent aujourd’hui la construction européenne, les concrétisations de l’Espace de liberté, sécurité et justice se trouvent comme placées à l’avant-garde de ce qui pourrait être le droit européen de demain.
On peut en faire la remarque au titre de la confiance mutuelle, du Parquet européen et du Brexit.
Les voies de concrétisation de la confiance mutuelle en matière de coopération judiciaire civile et pénale
Point commun aux mécanismes de reconnaissance définis au titre de la coopération judiciaire civile et pénale, la confiance mutuelle est en passe de devenir un véritable objet du droit. Jusqu’alors, on la présentait volontiers comme la condition politico-psycho-sociologique nécessaire à la bonne marche d’une reconnaissance mutuelle des actes judiciaires. Aujourd’hui elle prend corps autour d’une série d’exigences très concrètes qui sont en quelque sorte des marqueurs nécessaires de cette confiance.
En matière de coopération judiciaire civile, la confiance mutuelle passe par l’affirmation d’un ordre public de plus en plus européanisé qui forme une sorte de socle commun et qui laisse peu de place à l’affirmation de particularismes nationaux (voir sur ce thème, les commentaires proposés sur ce blog des arrêts Meroni, Diageo Brands…).
En matière de coopération judiciaire pénale, le processus est sans doute moins avancé. La confiance mutuelle passe par cette étape nécessaire de la traduction, dans les ordres juridiques internes, de l’impératif de protection des droits fondamentaux. Un arrêt remarqué de la chambre criminelle de la Cour de cassation illustre bien la manière dont notre juridiction judiciaire supérieure entend encadrer très strictement le travail des juges dans la vérification du respect des exigences de la CEDH à l’occasion de la mise en œuvre du dispositif UE sur le mandat d’arrêt européen (Crim. 12 avril 2016, n° de pourvoi 16-82175 ; voir notamment sur ce thème le commentaire de B. Thellier de Poncheville, à paraître à la chronique de l’EDIEC, RTDE 2017/2).
Le Parquet européen ou l’avancée du droit à la faveur des volontaires
On apprend que le 28 mars dernier, 13 ministres de justice ont signé à Bruxelles, à l’occasion du dernier Conseil « Justice et Affaires Intérieures », une lettre de notification traduisant leur volonté de mettre en place un Parquet européen dans le cadre d’une procédure de coopération renforcée (Allemagne, Bulgarie, Espagne, Finlande, France, Grèce, Lituanie, Luxembourg, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie).
On rappellera que le Parquet européen est le premier organisme judiciaire de dimension européenne, disposant d’un pouvoir de poursuite propre dans le domaine de la lutte contre la fraude aux intérêts financiers de l’UE.
Si la procédure va jusqu’à son terme, le règlement instituant le Parquet européen constituera le plus fort symbole d’intégration que l’UE ait connu depuis l’adoption de l’Euro.
Le Brexit ou le retour des questions régaliennes sur le devant de la scène des négociations
Tout le monde sait que le 29 mars dernier, le Royaume-Uni a enclenché la procédure de sortie de l’UE (art. 50 TUE). Au titre de l’œuvre titanesque de détricotage qui attend les partenaires européens, que deux années de travail ne suffiront très probablement pas à achever, une attention très grande doit être portée à l’ensemble des constructions juridiques destinées à assurer une continuité dans les coopérations jugées les plus nécessaires entre le Royaume-Uni et l’Union européenne des 27.
Gageons que parmi ces constructions, on trouve, en tout premier ordre de marche, les sujets les plus régaliens qui soient : coopération en matière judiciaire, de circulation des personnes, de sécurité et de défense.
L’ELSJ est bien à l’avant-garde de l’Europe de demain !