Historiographie des rapports entre Droit de l’UE et Droit international privé

Le droit de l’Union européenne s’offre comme un nouveau contexte juridique dans lequel se déploient dorénavant massivement les constructions du droit international privé. S’ajoutant aux contextes nationaux préexistants, aux différents environnements internationaux ou transnationaux préétablis, l’Union européenne est de nature à bouleverser profondément la substance et les conditions de mise en œuvre du droit de la condition des étrangers, des conflits de lois, des conflits de juridictions et de la reconnaissance des décisions, actes et situations nés à l’étranger(*).

Les changements induits par l’émergence de ce nouveau cadre juridique de référence européen sont loin d’avoir livré l’ensemble de leurs manifestations. Les trois générations de droit européen qui se sont jusqu’à ce jour succédé ne suffisent pas à éclairer toutes les zones d’ombre que laissent subsister les deux grands espaces juridiques de l’Union européenne que sont l’espace du marché intérieur et l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Mais le mouvement est en marche qui laisse entrevoir des jeux dialectiques dont on peut raisonnablement penser qu’ils sont aujourd’hui bien établis.

Au premier niveau

Ces rapports dialectiques mettent en scène, au premier niveau, une confrontation des méthodes et solutions du droit international privé et du système juridique de l’Union européenne.

Une approche historique commande de distinguer les trois grandes étapes qui ont marqué une européanisation du droit international privé : les premières initiatives (textes conventionnels, textes de droit dérivé et jurisprudence éparses), la communautarisation de la matière (par voie de règlements et d’interprétation uniforme essentiellement), sa systématisation (codification) et fragmentation (à géographie variable).

La question des compétences de l’Union européenne à légiférer dans ce domaine doit également être posée en même temps qu’elle doit être clairement distinguée de la question distincte du domaine d’application spatiale des règles européennes de droit international privé ainsi définies.

Reste la question cruciale des méthodes : l’irréductibilité des deux matières du droit européen et du droit international privé laisse entrevoir un jeu croisé d’influence de l’une sur l’autre. Ces jeux d’influence mettent en scène des dynamiques puissantes.

La question des méthodes du droit européen appliquées au droit international privé se pose dans les trois grandes situations suivantes : l’uniformisation des règles matérielles européennes pose la question de leur unilatéralisme et de leur équivalence ; les objets juridiques de dimension européenne doivent être appréhendés en situation triangulaire (un droit de dimension réellement européenne et deux droits nationaux) ; l’émergence d’espaces communs (marché intérieur et ELSJ) a fait émerger un mécanisme de reconnaissance mutuelle d’une ampleur jusqu’alors inconnue.

La question des méthodes du droit international privé appliquées au droit européen soulève également trois difficultés majeures : la distinction entre les situations internationales internes et externes européennes, la distinction entre la réglementation des activités et des actes et la distinction entre une impérativité (lois de police et ordre public) de dimension nationale et européenne.

Au second niveau

Au second niveau, la construction du droit international privé à une échelle européenne doit être réexaminée.

Le mouvement de codification européenne et la présence d’un juge européen sont de nature à expliciter les transformations qui sont actuellement à l’œuvre.

 

(*) Travail à suivre au Répertoire de droit international (en coll. J.-S. Bergé, D. Porcheron et G. Vieira da Costa Cerqueira)