La dimension sécuritaire de l’ELSJ s’est affirmée, dans un contexte particulier avant même sa création, à partir des accords de Schengen.
Le « déficit sécuritaire » mis alors en avant par les Etats membres a positionné définitivement cette coopération nouvelle sur ce terrain.Il accrédite l’idée jamais vérifiée que l’ouverture des frontières intérieures de l’Union s’accompagnerait d’un recul de la sécurité dans les Etats membres. Depuis, cette tendance lourde ne s’est jamais inversée.
Elle s’est même accentuée à compter des attentats du 11 septembre et de ceux qui y ont fait suite, dans le métro de Londres ou la gare d’Atocha à Madrid. De ce point de vue, une véritable mutation du discours et des orientations de l’Union s’est opérée insensiblement, le thème de la « sécurité intérieure » devenant une priorité.
La seconde caractéristique tient dans la part centrale occupée par les Etats membres en la matière. Parce que la responsabilité première de l’Etat est de garantir la sécurité de ses administrés, il ne saurait être question de les voir renoncer à leurs prérogatives au profit de l’Union. C’est ce que rappelle l’article 72 TFUE qui souligne que le titre V consacré à l’ELSJ « ne porte pas atteinte à l’exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure ».
Sur ces bases, l’article 67 §3 délimite le cadre de l’action sécuritaire de l’Union qui « œuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité » par des moyens soigneusement définis :
- des mesures de prévention de la criminalité, du racisme et de la xénophobie, ainsi que de lutte contre ceux-ci,
- des mesures de coordination et de coopération entre autorités policières et judiciaires et autres autorités compétentes
- la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale,
- si nécessaire, par le rapprochement des législations pénales.
En d’autres termes, l’action de l’Union n’est pas comparable ici à l’autre volet de l’ELSJ relatif aux politiques migratoires : il n’y est pas question d’intégration verticale mais de coopération horizontale. La « reconnaissance mutuelle » en est le cœur, le rapprochement des législations nationales n’intervenant que « si nécessaire ».
Ceci explique un traitement institutionnel un peu particulier : si les outils juridiques et les acteurs obéissent au droit commun, un organe particulier le Comité de Sécurité Intérieure (COSI) a été institué après Lisbonne et les parlements nationaux et les schémas d’évaluation reçoivent un traitement particulier.
La coopération judiciaire en matière pénale
Au plan normatif, elle obéit très largement aux règles du droit commun, à quelques exceptions près. Le chapitre IV du titre V du TFUE lui fixe deux grands domaines d’action : la reconnaissance mutuelle et le rapprochement des législations.
La reconnaissance mutuelle constitue le noyau dur de l’entraide répressive puisque la coopération judiciaire pénale est « fondée » sur elle, quitte à être accompagnée de directives permettant de se doter des outils indispensables, par exemple pour résoudre les conflits de compétence. Il peut être néanmoins nécessaire d’adopter des règles pour la faciliter, par exemple au plan procédural ou pour les droits des personnes. Cela est possible, de façon « minimale et en respectant les « différences entre les traditions et systèmes juridiques des États membres », quitte à ce que certains Etats maintiennent un niveau de protection plus élevé. Nombre d’actes, tels que le mandat d’arrêt européen, ont été adoptés à ces fins.
Par ailleurs, l’article 83 TFUE prévoit que l’Union peut « établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière ». Ces domaines sont limitativement énumérés : le terrorisme, la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d’armes, le blanchiment d’argent, la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée. Ils font déjà l’objet de nombre de réalisations tout comme le prolongement pénal de certaines politiques communautaires, comme l’environnement.
Au plan opérationnel, et c’est un paradoxe dans un domaine où les souverainetés nationales sont particulièrement sensibles, l’Union a développé une action particulièrement remarquable. Outre les procédés de coopération tels que les magistrats de liaison et divers réseaux, une agence européenne, Eurojust, appuie et renforce la coordination et la coopération entre les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites relatives à la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes, sur la base des opérations effectuées et des informations fournies par les autorités des États membres et par Europol.
Eurojust pourra servir de point de départ à l’institution d’un « Parquet européen » en vertu de l’article 86 TFUE.
La coopération policière
Elle répond typiquement aux schémas de coopération entre les autorités nationales de police, de douanes et autres services répressifs spécialisés en matière pénale, au besoin en utilisant la technique des équipes communes d’enquête et des officiers de liaison.
Elle vise essentiellement une approche opérationnelle où l’échange de renseignements et d’information joue un rôle central, le traité de Prüm en 2008 ayant accentué l’approfondissement de la coopération transfrontalière.
Cette ambition d’une coopération intégrée s’exprime à travers Europol dont le rôle d’agence et les promesses du traité de Lisbonne pourraient déboucher sur des actions conjointes avec les Etats membres.