Le 21 mars 2018, la justice espagnole a émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre du président du gouvernement régional catalan, Carles Puigdemont. Les autorités espagnoles ont demandé qu’il soit poursuivi et remis à ces dernières pour des faits de « rébellion » et de « corruption » prenant la forme de détournement de fonds publics. Les allégations sont fondées sur les activités de M. Puigdemont dans le conflit de longue date entre la Catalogne et le gouvernement central espagnol au sujet de l’indépendance de la Catalogne. Le prévenu aurait, entre autres, appelé à un référendum sur l’indépendance de la Catalogne, alors que celui- ci avait été précédemment reconnu comme illégal par la Cour constitutionnelle espagnole. La mise en œuvre du référendum, le matériel, les documents nécessaires pour le vote et les autres mesures mises en place dans ce cadre ont entraîné une dépense de 1,6 millions d’euros mais aussi des affrontements violents avec les forces de l’ordre.
Puigdemont a été arrêté sur le territoire allemand le 25 mars 2018 après avoir franchi la frontière entre le Danemark et l’Allemagne et a été placé en garde à vue. A la demande du procureur général de l’Etat du Schleswig-Holstein, la première chambre du tribunal régional supérieur du Schleswig-Holstein a décidé le 5 avril 2018 d’ordonner la mise sous écrou du prévenu pour procéder à son extradition. Mais il a ultérieurement été décidé de suspendre sa détention dans l’attente de sa remise sous certaines conditions (Schleswig-Holsteinisches Oberlandesgericht, 1 Ausl (A) 18/18 (20/18), Décision du 5 avril 2018). Le tribunal régional supérieur a dès le départ considéré la demande de remise fondée sur l’infraction pénale de « rébellion » irrecevable. Selon le tribunal allemand, la condition de double incrimination n’était pas remplie en l’espèce, puisqu’il manquait pour qualifier les faits de « haute trahison » – infraction pénale «équivalente» dans le Code pénal allemand (§ 81 Strafgesetzbuch – StGB) – l’élément constitutif de la « violence ». Concernant l’accusation de « corruption » (par détournement de fonds), la chambre a demandé des informations complémentaires afin de pouvoir examiner de plus près la recevabilité du mandat d’arrêt européen pour cette infraction. Le 22 mai 2018, elle a rejeté une fois de plus les requêtes du procureur général de l’État du Schleswig-Holstein visant à réécrire le mandat d’arrêt européen et à ordonner la mise en détention de Carles Puigdemont aux fins de remise. Les nouveaux éléments de preuve présentés n’ont pas pu ébranler l’avis du tribunal. Celui-ci n’a pas considéré l’infraction supplémentaire de violation de la paix («Landfriedensbruch», § 125 du Code pénal allemand) pertinente en l’absence d’imputabilité individuelle d’une infraction.
Le tribunal régional supérieur du Schleswig n’est pas le seul à refuser la remise de Carles Puigdemont sur le fondement du mandat d’arrêt européen. Les autorités judiciaires belges n’ont pas non plus donné suite à la demande de l’Espagne, en partie pour des raisons formelles et ont refusé de remettre d’anciens ministres du gouvernement de Catalogne. En Allemagne, la libération provisoire de Puigdemont a reçu un accueil positif. L’accusé par les autorités judiciaires espagnoles se présente dans les médias allemands et européens comme un combattant pour la liberté. Au contraire, la Cour suprême espagnole, après une première réaction prudente, a critiqué la décision du tribunal régional supérieur du Schleswig qu’elle considère inappropriée aux problèmes que représentent les tentatives de sécession de la Catalogne. Il en résulte une situation d’angoisse juridique et politique. Cette inquiétude est à peine ressentie au sein du système judiciaire et du public allemand. Mais elle l’est bien plus dans d’autres États membres : ce mandat d’arrêt européen – fondé en tant qu’instrument juridique de l’Union européenne et supposé être la pierre angulaire de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice – s’inscrit dans un contexte politique particulier, celui d’une lutte de pouvoir, face auquel le droit pénal européen semble fragile. Le mandat d’arrêt européen s’applique au vol de véhicules à moteur, toutefois lorsqu’il s’agit de macro-criminalité politique il ne fonctionne pas. Les réactions des autorités judiciaires allemandes et d’autres autorités judiciaires européennes à la demande de mandat d’arrêt espagnole – la demande d’un État de droit démocratique – nous montre que le droit pénal européen est le reflet de la crise de confiance entre les États membres de l’Union européenne – une crise résultant de la perte de principes juridiques communs.
Comme dans une affaire qui irait de soi, le tribunal régional supérieur examine dans l’affaire Puigdemont la situation juridique allemande au regard de la loi sur l’entraide judiciaire internationale (§ 79 ss. IRG). L’anxiété politique de l’affaire est éloignée par la routine du droit national. Cependant, en fin de compte, nous sommes confrontés à un problème juridique européen allant au-delà de cette routine nationale et qui ne peut être résolu d’une manière juridiquement appropriée que si les arguments avancés, en particulier la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur la décision-cadre 2002/584, le principe de reconnaissance mutuelle en droit européen et l’exigence de double incrimination, sont suffisamment analysés. Or, une telle analyse peut révéler la perte des principes du droit pénal européen. En même temps, cela offre la possibilité de concrétiser les principes d’un espace de droit pénal européen et leur fonction critique du pouvoir. Pour les problèmes juridiques européens, il existe des tribunaux européens. Le tribunal régional supérieur du Schleswig aurait dû renvoyer l’affaire devant la Cour de justice par le biais de la procédure préjudicielle.
1. Routine du droit pénal national
Un mandat d’arrêt européen est un instrument juridique européen appliqué entre les autorités judiciaires des États membres de l’UE. L’État qui l’émet peut exiger qu’il soit exécuté dans tout autre État membre. La condition préalable est que les États se fassent confiance. Il est présupposé que les mêmes normes juridiques s’appliquent. Le mandat d’arrêt européen dresse une liste d’infractions pour lesquelles la confiance va très loin : il n’est alors plus question de savoir si les comportements relevant du droit de l’État requis sont également punissables. Pour les autres crimes, qui ne figurent pas dans la liste, la routine du droit pénal de l’État semble s’appliquer.
Selon la loi allemande – § 15 para. 1 de la loi sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale (« Gesetz über internationale Rechtshilfe in Strafsachen » – IRG) –, une personne poursuivie doit être placée en détention aux fins d’extradition sur présentation d’un mandat d’arrêt international ou européen, à moins que cela ne soit inadmissible dès le départ (§ 15 para. 2 IRG). Si un mandat d’arrêt européen est présenté, les dispositions spéciales des §§ 79 et suivants IRG s’appliquent. Ces dispositions renvoient notamment à l’exigence de double incrimination, exigence qui ne s’applique pas si le mandat d’arrêt européen se rapporte à l’un des actes de la liste de la décision-cadre 2002/584 de l’UE. Ce n’est pas le cas en ce qui concerne l’accusation de « rébellion » qui ne figure pas dans la liste d’infractions.
Par conséquent, l’exécution du mandat d’arrêt et l’admissibilité de la détention en vue de la remise présupposent une double incrimination en droit pénal espagnol et allemand. Conformément à la loi sur l’entraide judiciaire internationale (§ 3 alinéa 1 IRG), cela dépend de la qualification des faits. L’objet de l’examen – hypothétique – est un acte illégal au sens de la procédure pénale (Voir Kubiciel, dans : Ambos/König/Rackow (Hrsg.), Rechtshilferecht in Strafsachen, § 3 IRG, N. 25; Schomburg/Lagodny, IRG, § 3, N. 5). L’objet de l’enquête est de savoir si les faits mentionnés dans la demande de remise seraient passibles d’une sanction pénale en vertu du droit pénal allemand. A cette fin, les faits énoncés par l’Etat requérant doivent être considérés comme s’ils s’étaient produits sur le territoire allemand (Kubiciel, aaO, Rz. 26 ; Schomburg/Lagodny, op. Cit, N. 11).
Dans ce contexte, le tribunal régional supérieur du Schleswig-Holstein examine donc à juste titre si les faits que les tribunaux espagnols qualifient d’infraction de rébellion seraient passibles d’une sanction pénale sur le territoire allemand conformément au droit pénal allemand (§ 81 StGB). Pour ce faire, il s’appuie sur une affaire tranchée par la Cour fédérale de justice concernant des faits similaires, dans laquelle de violents affrontements lors de manifestations contre la construction de la piste ouest de l’aéroport de Francfort avaient fait l’objet de poursuites pour «coercition» contre les organes constitutionnels. Pour la Cour suprême espagnole, entre autres, il est irritant d’observer qu’un acte hautement important relatif à la politique de l’État et déclaré inconstitutionnel en Espagne est minimisé devant un tribunal allemand et qu’il est en quelque sorte considéré comme banal du point de vue de la protection de l’État par le droit pénal.
Les faits de cette affaire prise comme point de comparaison peuvent également déterminer l’examen de double incrimination parce qu’ils établissent des prémices différentes pour l’interprétation des faits respectifs. L’objet de l’arrêt de la Cour Fédérale allemande (« Bundesgerichtshof » – BGH) (BGHSt 32, 170 ss. (Arrêt de 23 novembre 1983) ; Fischer, Strafgesetzbuch, § 81, N. 6a.) était l’interprétation de la notion de violence et sa définition par rapport aux atteintes à la liberté et par rapport à l’incrimination de « coercition », dont la définition est plus restrictive (Fischer, op. Cit.). En conséquence, l’élément constitutif de la « violence » pour la constitution de l’infraction de haute trahison n’est pas rempli par la seule contrainte physique liée à des moyens coercitifs ; il est plutôt nécessaire que la pression ainsi exercée sur l’organe constitutionnel, compte tenu des circonstances qui caractérisent la coercition, semble appropriée pour faire plier la volonté de l’organe constitutionnel (Fischer, Strafgesetzbuch, § 105, N. 3). L’obstacle à l’acceptation du caractère coercitif est d’autant plus important dans le contexte de la haute trahison, puisque l’on doit supposer que les institutions constitutionnelles sont particulièrement prudentes et suffisamment rationnelles pour résister à la pression politique (Fischer, op. Cit.).
Ces exigences élevées à l’égard de la “vis compulsiva“, qui a été mise en avant dans le contexte de la haute trahison, ne semblent pas nécessaires en droit pénal espagnol (le dogme du droit pénal allemand distingue entre “vis absoluta” et “vis compulsiva” en ce qui concerne l’élément constitutif de la “violence”. Alors que “vis absoluta” élimine complètement la volonté de l’autre, “vis compulsiva” signifie que la volonté d’un autre est pliée). Selon les faits énoncés dans la demande de remise, il suffit donc pour supposer les faits de rébellion que la personne poursuivie ait au moins accepté la violence perpétrée contre les policiers voire qu’elle l’ait considérée comme probable. Le tribunal régional supérieur déclare donc que les « actes de violence qui ont eu lieu le jour du scrutin » sont en tout état de cause imputables à la personne poursuivie (OLG Schleswig-Holstein précit., p. 11.). Par conséquent, pour être qualifiés de « haute trahison » les faits ne manquent pas des caractéristiques de la violence mais de son intensité qui est une condition nécessaire de la constitution de l’infraction. C’est en considérant que le droit pénal allemand en matière de haute trahison retient un concept plus strict et plus restrictif de la « violence » que le droit pénal espagnol s’agissant de l’infraction de rébellion, que le tribunal supérieur régional ne retient pas la double incrimination.
2. Droit européen perturbateur
Toutefois, il est possible que cette inadmissibilité de la détention en vue de la remise, fondé sur un raisonnement prenant comme point de référence le droit pénal allemand, ne tienne pas en vertu du droit européen, ou, compte tenu du contexte procédural du mandat d’arrêt européen, doive au moins être complétée par celui-ci. Il est particulièrement intéressant de se demander si, compte tenu de la nature particulière des dispositions relatives à l’« extradition » dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen, les dispositions relatives à la double incrimination en droit international découlant du § 3 IRG doivent être adaptées au regard des dispositions européennes et de leur interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne.
La loi allemande sur l’entraide judiciaire donne la priorité aux règles d’extradition et d’exécution entre les États membres de l’Union européenne sur les règles traditionnelles – bilatérales – entre États souverains. Cette priorité fonde la légitimité de principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, qui est considérée comme le cœur de l’espace de liberté, de sécurité et de justice dans l’Union européenne et de la coopération judiciaire entre ses États membres. Le principe est soutenu par la confiance mutuelle des États membres de l’UE s’agissant du fonctionnement de l’État de droit démocratique, et en particulier de la protection des droits fondamentaux et de l’indépendance et de l’impartialité du pouvoir judiciaire. Dans le cadre des demandes d’entraide judiciaire entre les États membres de l’Union européenne, le principe de la double incrimination est considéré comme une exception au principe de reconnaissance mutuelle – une exception à interpréter « de manière stricte » (cf. récemment CJUE, Arrêt du 11.1.2017 (C-289/15) (Cas Grundza), §§ 41 et 46; CJUE, Arrêt du 5.4.2016 (C- 404/15 et C-659/15 PPU)(Aranyosi et Caldararu), §§ 77 s.; CJUE, Arrêt du 29.06.2017 (C-579/15) (Poplawski), §§ 29 et s).
Dans ce contexte, la Cour de justice de l’Union européenne a interprété le principe de la double incrimination. On peut se demander si les critères dégagés par la Cour soutiennent l’interprétation du tribunal supérieur régional du Schleswig-Holstein ou s’ils pourraient impliquer des considérations juridiques supplémentaires voire même s’opposer à l’interprétation de la cour allemande. Il s’agit avant tout de la condition de la qualification équivalente des éléments factuels et de l’examen complet de l’élément constitutif de la violence selon le § 81 StGB. L’article 2, paragraphe 4, de la décision-cadre 2002/584 de l’UE autorise, pour les actes en dehors de la liste susmentionnée, la possibilité d’examiner la double incrimination. Cet examen doit être effectué indépendamment des faits de l’affaire et de la qualification de l’infraction.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est nécessaire et suffisant que les actes à la base de l’infraction dans l’État d’émission constituent également une infraction dans l’État d’exécution. L’identité des infractions dans les deux États membres concernés n’est pas nécessaire (Cf. CJUE, Arrêt du 11.1.2017 (C-289/15) (Cas Grundza), § 34). En conséquence, il n’est pas nécessaire d’établir une correspondance exacte entre les éléments constitutifs de l’infraction – tels que définis dans le droit de l’État membre d’émission et de l’État membre d’exécution – ou la dénomination ou la classification de ces infractions selon les systèmes juridiques nationaux respectifs (§ 35). Il est donc insignifiant que les faits de l’affaire, tels que communiqués par les autorités judiciaires espagnoles, correspondent en Espagne au délit de rébellion et en Allemagne à celui de trahison. Le critère essentiel est plutôt la correspondance entre les éléments factuels à la base de l’infraction, comme le reflète le jugement rendu dans l’État d’émission, et la qualification de l’infraction selon le droit de l’État d’exécution (§ 36). Ainsi, au premier abord l’approche du tribunal régional supérieur du Schleswig-Holstein, qui, comme l’opinion dominante en droit allemand de l’entraide judiciaire, suppose un acte de procédure qui doit être évalué complètement par un examen hypothétique conformément aux prémices du droit pénal allemand, semble également étayée par la jurisprudence plus récente de la Cour de justice de l’Union européenne.
Cependant, ce n’est que superficiel : par exemple, la Cour de justice de l’Union européenne exige de l’autorité compétente de l’État d’exécution qu’elle adopte une « approche flexible » « lors de l’appréciation de la condition de la double incrimination » dans le but de satisfaire autant que possible la demande de remise (§ 36). Cette jurisprudence indique que l’équivalence des caractéristiques factuelles et de l’infraction pénale dans l’État d’exécution ne signifie pas une interprétation normative complète des éléments factuels et leur interprétation dogmatique éventuellement contradictoire, mais qu’elle vise plutôt à une correspondance générale au regard de l’injustice constituée par les faits. Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne exige simplement que les faits de l’affaire fassent l’objet d’une sanction pénale « en tant que tels » dans l’État d’exécution (§ 38). Implicitement, la Cour de justice européenne s’écarte du dogme de l’infraction en procédure pénale et prend en compte le caractère de la double incrimination en tant qu’exception à la reconnaissance mutuelle. D’après le rapport établi par la Cour, seul un «niveau relativement élevé d’abstraction» des infractions pertinentes est enregistré (Cf. aussi les conclusions de l’Avocat Général Michal Bobek du 28. juillet 2016, Affaire C-289/15, § 76). Il s’ensuit que « la correspondance parfaite de la taxonomie utilisée » est sans importance (Op. cit. § 77). Ainsi, l’application d’un droit pénal, c’est-à-dire l’interprétation dogmatique dans l’État membre requérant, pourrait devoir être reconnue dans l’État d’exécution, même si son application et son interprétation auraient conduit à un résultat différent dans l’État d’exécution (à présent explicitement dans CJUE, Arrêt du 23.1.2018 (C-367/16) (Piotrowski), § 52. Il convient toutefois de noter que ce jugement s’inscrit dans le contexte des conditions de poursuite des mineurs).
Compte tenu de cette pénétration de la double incrimination en droit européen et de la caractérisation analogue des faits de l’affaire, les exigences du tribunal supérieur régional – et du droit allemand de l’entraide judiciaire dans son ensemble – pourraient s’avérer excessives. Au lieu d’un examen complet des faits selon le droit pénal allemand, il serait suffisant que les délits de rébellion et de haute trahison soient similaires dans leur contenu. La conclusion de la Haute cour allemande, selon laquelle la personne poursuivie doit tenir compte de la violence pendant le référendum, pourrait constituer une condition suffisante pour satisfaire aux exigences du droit européen en matière de double incrimination. Toutefois, il ne serait pas pertinent pour admettre la détention en vue de la remise – et l’octroi ultérieur éventuel de cette dernière – que le droit pénal allemand ait une approche dogmatique plus restrictive à l’égard de l’élément constitutif de la violence que le droit pénal espagnol. L’interprétation large de l’élément de violence par l’État requérant devrait donc être reconnue par l’État d’exécution.
En ce qui concerne l’allégation de détournement de fonds publics par la justice espagnole, l’examen de la double incrimination est abandonné, puisqu’il peut être rattaché à la « corruption » figurant dans la liste des infractions de l’article 2(2) de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen, l’avis de l’État à solliciter étant pertinent. Pour évaluer si les circonstances de l’infraction sont suffisamment décrites (article 83a (1) N. 5 IRG), la seule exigence est que l’État requérant doit indiquer de manière plausible les exigences de l’infraction en vertu du droit espagnol. Il n’est donc pas pertinent de savoir si une perte financière, au sens où l’entend le droit pénal allemand, s’est produite si, en vertu de la législation espagnole, le fait de contracter des obligations financières pour le référendum serait punissable.
3. Contrôle judiciaire par les tribunaux européens
Le tribunal régional supérieur du Schleswig-Holstein ne considère pas que le critère de la double incrimination soit rempli au vu de l’accusation de “rébellion” formulée par la justice espagnole et considère dès le départ la détention en vue de l’extradition comme irrecevable. Ceci est conforme aux critères d’examens généralement reconnus par la loi allemande sur l’entraide judiciaire, selon lesquels une conversion des faits et un examen complet des faits communiqués par l’État requérant doivent avoir lieu, comme si l’acte avait eu lieu sur le territoire allemand. Par conséquent, l’infraction de haute trahison présuppose un concept de violence beaucoup plus restrictif que l’infraction espagnole de rébellion.
Toutefois, le critère de double incrimination, tout du moins dans le contexte d’une demande de remise fondée sur un mandat d’arrêt européen, doit être interprété au regard du droit européen. Selon ce critère, d’une part, la conversion analogue des faits, fondée sur la conception procédurale des faits et l’examen hypothétique subséquent par la Cour de justice de l’Union européenne sont maintenus en principe. D’autre part, il apparaît cependant que le droit européen exige simplement que les éléments de l’infraction soient identiques dans leur contenu et non dans leur application concrète.
A la lumière du droit européen, le tribunal régional supérieur du Schleswig-Holstein ou la Cour suprême d’Espagne auraient dû donc demander à la Cour de justice de l’Union européenne de statuer à titre préjudiciel en vertu de l’article 267 TFUE afin de clarifier si le principe de la double incrimination dans le contexte de la qualification des faits en droit pénal de l’État d’exécution inclut également l’examen concret de l’interprétation d’une loi pénale par l’État d’exécution si celle-ci s’avère plus restrictive que l’interprétation de l’État requérant. Il s’agit bien sûr d’une technique inhabituelle brisant la routine juridique allemande. Le résultat peut également être politiquement sensible, plus encore alors qu’il devient clair que les systèmes de justice pénale de l’Europe ne suivent aucunement des normes communes. Cependant, si l’anxiété politique autour de l’affaire Carles Puigdemont devait conduire à la prise de conscience que l’espace de liberté, de sécurité et de justice manque de principes juridiques politiquement résistants, cela offrirait une perspective bienvenue pour le développement du droit pénal européen.