La guerre des juges n’aura pas lieu. Tant mieux ? Libres propos sur l’avis 2/13 de la Cour de justice relatif à l’adhésion de l’Union à la CEDH

par Henri Labayle, CDRE

Il était attendu par beaucoup, craint par certains, espéré par d’autres. L’avis 2/13 de la Cour de justice rendu le 18 décembre 2014 à propos de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme est, en définitive, un avis négatif. Le projet d’accord d’adhésion y est jugé comme n’étant ni « compatible avec l’article 6 §2 TUE ni avec le protocole n° 8 relatif à l’article 6 §2 du TUE » relatif à l’adhésion de l’UE à la CEDH.

En l’état donc, la cohabitation des deux Cours suprêmes européennes au sein d’un même système juridictionnel de garantie des droits fondamentaux est exclue, à l’inverse de ce que la lettre du traité sur l’Union européenne laissait envisager et que les amateurs de rapports de système escomptaient. Avant de s’interroger sur les conséquences de cet avis faisant obstacle à l’adhésion de l’UE à la CEDH, il est bon d’en rappeler le contexte.

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L’examen de la crédibilité d’une demande de protection fondée sur l’orientation sexuelle : vers une reconnaissance de la vulnérabilité des demandeurs homosexuels par la CJUE ?

par Joanna Pétin, CDRE

L’accès à la protection internationale des personnes lesbiennes, gays et transgenres (LGBT) est une problématique sensible. Elle préoccupe autant les milieux académiques (v. notamment FRA, Homophobie, transphobie et discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, 2010, p. 61 et s. ; S. Jansen et T. Spijkerboer, Fleeing homophobia. Asylum claims related to sexual orientation and gender identity in Europe, Septembre 2011; Revue Migrations Forcées, Orientation sexuelle et identité de genre et protection des migrants forces, n°42, Juin 2013) que les prétoires européens (v. récemment CEDH, 26 juin 2014, M.E. contre Suède, n°71398/12).

Alors que l’octroi du statut de réfugié à une personne risquant d’être persécutée du fait de son orientation sexuelle est accepté depuis longtemps par le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR), cette possibilité a été explicitement reconnue au niveau de l’Union européenne à l’occasion de l’affaire X., Y. et Z. jugée par la CJUE le 7 novembre 2013 (CJUE, 7 novembre 2013, X., Y. et Z., aff. jtes C-199/12 à C-201/12 ; commentée sur ce site). Une question restait pourtant pendante, celle de l’évaluation de la crédibilité des déclarations d’un demandeur de protection homosexuel, étape cruciale de tout processus de détermination. Complexe autant que sensible, la tâche est ardue, entraînant des dérives dans certains Etats membres, à l’instar de la pratique de tests phallométriques notamment effectués par les autorités tchèques (v. également le point 54 des conclusions parlant des listes noire et grise des pratiques en la matière). Lire la suite

L’Avis 1/13, ou comment la Cour de justice confirme une conception traditionnellement extensive de sa compétence et privilégie l’efficacité des règlements de l’Union sur l’unité des conventions internationales

par Rostane Mehdi (CERIC) et Cyril Nourrissat (EDIEC)

L’article 218, § 11, TFUE aménage une procédure préventive de consultation de la CJUE dont l’usage reste peu fréquent. La jurisprudence consultative se résume à une quinzaine d’avis dont chacun a contribué à préserver l’intégrité de l’ordre juridique de l’Union et, le cas échéant, à accélérer le rythme d’expansion des compétences externes de l’Union. Lire la suite

La fin du “tourisme social” ? Premières remarques sur l’arrêt Dano (Gde Chambre, C-333/13) du 11 novembre 2014

par Nathalie Rubio,  CERIC

Rares sont les arrêts de la Cour de justice qui suscitent un écho médiatique tel que celui provoqué par l’affaire Dano (CJUE, Gde Chambre, 11 novembre 2014, C-333/13). La presse française et européenne se félicitait du fait que la justice se prononce contre le “tourisme social” (Le Monde) et parfois allant plus loin en titrant comme le Daily Telegraph “Les touristes sociaux de l’Union européenne menacés d’être renvoyés chez eux” (V. également la revue de presse européenne eurotopics.net du 12 novembre 2014). Cet arrêt, dont la portée politique a également été exploitée par les partis extrémistes, est perçu comme mettant fin à un certain laxisme dont était accusée l’Europe, qui n’aurait pas su définir clairement les limites de la solidarité et aurait engendré des abus dans les Etats membres les plus généreux. Lire la suite

La promotion des valeurs de l’Union et de la dignité des droits de l’étranger en situation irrégulière par son avocat général sera-t-elle entendue par la Cour de justice ?

par Joana Pétin, CDRE

La dignité de la personne humaine est sans doute « la quintessence des valeurs par lesquelles nous affirmons ensemble que nous sommes une seule communauté humaine » (P. Lambert, « Les droits de l’homme à l’épreuve du principe de la dignité humaine », in Mélanges en l’honneur du Professeur Petros J. Pararas, Les droits de l’homme en évolution, Bruylant, 2009, p.333-348).

L’Union européenne participe de cette affirmation. Le Traité de Lisbonne ayant procédé à la reconnaissance de la valeur juridique contraignante de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, la dignité humaine est désormais placée au premier rang des valeurs fondatrices de l’Union. S’appuyant sur cette réalité juridique de façon remarquable, l’avocat général Yves Bot vient de proposer à la Cour de justice d’en tirer les conséquences, dans ses conclusions sur l’affaire Moussa Abdida rendues le 4 septembre dernier. Lire la suite

Titre de séjour d’un réfugié et soutien au terrorisme : de la nécessité d’une clarification par la Cour de justice

par Henri Labayle, CDRE

La Cour de justice devrait avoir à trancher prochainement une question redoutable, dans l’affaire H.T contre Land Baden Würtemberg (C-373/13), à rendre sur conclusions de son avocat général E. Sharpston, celle des conditions dans lesquelles la révocation du titre de séjour d’un réfugié sous statut peut être prononcée.

Plus précisément, il lui demandé de préciser l’étendue d’un tel pouvoir de révocation face à des accusations de soutien au terrorisme, question d’actualité s’il en est. Lire la suite

La politique de retour des étrangers : quand le Conseil et la Cour de justice s’en saisissent.

par Marie Garcia, CDRE

Quelques semaines après la communication de la Commission relative au retour des étrangers, la réponse des ministres JAI vient faire écho au bilan tiré par cette dernière à l’égard de la politique de retour de l’UE et de la mise en œuvre de la directive 2008/115. Lire la suite

Renvoi préjudiciel et recours en responsabilité extracontractuelle d’un Etat membre : réflexions inspirées de l’application de la directive 2004/38 dite “droit de séjour”

par Amélie Da Fonseca, CDRE

Ce n’est un mystère pour personne, le processus de transposition dans les droits nationaux de la directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement  a été particulièrement laborieux. Par ailleurs, l’interprétation des dispositions de ce texte a suscité moult interrogations de la part des juridictions nationales, donnant lieu à nombre de renvois préjudiciels devant la Cour de justice. Tel sera une fois encore le cas prochainement. Lire la suite

Le contrôle du renvoi à titre préjudiciel à la Cour de justice par la Cour européenne des droits de l’Homme : un effet imprévu du principe de non-discrimination

par Amélie Da Fonseca, CDRE

C’est une première. La Cour européenne des droits de l’homme avait, à l’appui d’une jurisprudence bien établie, déjà mis en garde les juridictions nationales contre tout refus arbitraire de renvoyer une question en interprétation au juge de l’Union. Cette fois, elle a franchi le pas et décidé que le constat de l’absence de motivation d’un tel refus emporte violation du droit à un procès équitable.

L’affaire Dhahbi c. Italie, jugée ce 8 avril, concerne un ressortissant aujourd’hui italien mais de nationalité tunisienne à l’époque des faits. Admis sur la base d’un permis de séjour et de travail régulier, le requérant vivait en Italie avec son épouse et leurs quatre enfants, et il occupait un emploi. La loi italienne l’excluait pourtant du bénéfice de l’allocation de foyer familial (allocation pour les familles nombreuses), réservée aux seuls nationaux et ressortissants de l’UE. Lire la suite

La Cour de justice et la protection des données : quand le juge européen des droits fondamentaux prend ses responsabilités

par Henri Labayle, CDRE

C’est par deux grandes décisions que la Cour de justice aura marqué de son empreinte le droit de la protection des données à caractère personnel. Rendus le même jour en grande chambre, le 8 avril 2014, ces deux arrêts méritent d’être rapprochés : ils témoignent à tous égards de la volonté de la Cour de marquer un coup d’arrêt en assumant pleinement ses responsabilités de juge des droits fondamentaux.

Le premier d’entre eux pouvait paraître anecdotique par ses circonstances, sinon par son contexte. Frappant un Etat membre, sa décision Commission c. Hongrie (C 288/12) lui permet cependant de rappeler la nécessaire indépendance de ceux qui, dans les Etats membres, veillent au respect de la directive 95/46 relative à la protection des données.

Le second, éclatant et retenant à ce titre l’attention de tous, la conduit à prononcer de manière inusitée par sa généralité l’invalidité de la directive 2006/24 relative à la conservation des données, dans les affaires jointes Digital Rights Ireland (C 293/12) et Seitlinger (C-594/12).  Lire la suite