C’est par un arrêt Republik Griechenland c/ Grigorios Nikiforidis, en date du 18 octobre 2016, que la Grande chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne, saisie d’une question préjudicielle, est venue apporter d’importantes précisions quant aux lois de police étrangères en matière contractuelle. Prévue par la Convention de Rome du 19 juin 1980, depuis remplacée par le Règlement Rome I du 17 juin 2008, la prise en compte des lois de police étrangères avait fait l’objet de nombreux débats doctrinaux[1]. Il aura ainsi fallu attendre trente-six ans pour que la Cour vienne dissiper certains doutes, au risque toutefois d’en susciter de nouveaux.
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La Cour de cassation et la responsabilité de l’Etat du fait des décisions de justice : une nouvelle illustration des faiblesses de la subsidiarité juridictionnelle
Pour la première fois, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation s’est prononcée par un arrêt SNC Lactalis Ingrédients du 18 novembre 2016 (req. n° 15-21.438) sur l’application dans l’ordre judiciaire français de la jurisprudence Köbler (CJUE, 30 septembre 2003, Aff. C‑224/01). On rappellera qu’en vertu de cette jurisprudence, la Cour de justice de l’Union européenne considère que les « États membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit communautaire qui leur sont imputables […] lorsque la violation en cause découle d’une décision d’une juridiction statuant en dernier ressort, dès lors que la règle de droit communautaire violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les personnes lésées » (arrêt Köbler, pt. 30 et 59).
Malgré la force de ce principe « inhérent au système des traités » (v. not. en ce sens, CJUE, 28 juillet 2016, Tomášová, Aff. C-168/15, pt. 18 et 19), la plus haute juridiction judiciaire française s’est cependant montrée réfractaire à sa mise en œuvre. A lumière des analyses du procureur général et du conseiller rapporteur, il semble en effet que les magistrats soient restés réservés à l’égard de l’hypothèse d’une responsabilité de l’Etat en cas de violation du droit de l’Union par le contenu d’une décision de justice (une telle responsabilité n’ayant jusqu’alors été retenue qu’à raison d’une circulaire du Garde des Sceaux donnant des instructions au parquet manifestement incompatibles avec un arrêt en manquement rendu par la Cour de justice : C. Cass., com., 21 février 1995, United Distillers France, John Walker & sons Ltd).
Aux communautaristes qui pouvaient penser qu’en matière de contentieux indemnitaire les choses étaient désormais bien établies par la jurisprudence européenne, et bien admises par le juge interne, cet arrêt constitue un démenti sérieux. Il ne s’agit certes pas du premier avertissement des faiblesses de la subsidiarité juridictionnelle, mais l’arrêt SNC Lactalis Ingrédients constitue une nouvelle illustration de l’ambigu rôle des juridictions nationales suprêmes dans le « procès européen ». Lire la suite
Une directive relative à l’aide juridictionnelle dans l’Union, enfin ?
« Il ne faut pas seulement que justice soit faite ; il faut encore qu’elle soit vue comme telle ». Cette déclaration de 2013 prononcée par Viviane Reding, alors commissaire, aura mis longtemps à se concrétiser, avec l’adoption lors du dernier Conseil de la directive relative à l’aide juridictionnelle pour les suspects et les personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales et pour les personnes dont la remise est demandée dans le cadre des procédures relatives au mandat d’arrêt européen. En attente de signature et non encore publiée au Journal Officiel, l’objectif est de garantir à l’échelle de l’Union, dans le champ d’application du texte, la fourniture d’une aide juridictionnelle aux personnes qui n’ont pas les ressources nécessaires pour pouvoir assumer les frais engendrés par une procédure pénale.
La question de la protection du droit à l’aide juridictionnelle à l’échelle européenne est ancienne. Elle avait d’ailleurs déjà fait l’objet de réflexions ici. Si l’on peut entrevoir, dans les conclusions du Conseil européen de Tampere, un intérêt pour cette problématique, ce n’est véritablement qu’en 2009 que ce droit fera l’objet d’une proposition. Lire la suite
La Convention européenne des droits de l’Homme à l’Assemblée nationale : quand le ridicule ne tue pas
par Henri Labayle, CDRE
Une fois encore, une partie de la classe politique française a su se mettre à la hauteur des enjeux : dans sa participation à la défense des valeurs de la République, au lendemain des attentats terroristes de Paris, rien ne lui est apparu plus légitime qu’une violente charge contre la Convention européenne des droits de l’Homme.
Ainsi, une proposition de résolution de l’Assemblée nationale, déposée le 12 février 2015 (AN n° 2061), invite le Gouvernement rien moins qu’à « renégocier les conditions de saisine et les compétences de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) sur les questions touchant notamment à la sécurité nationale et à la lutte contre le terrorisme ». Lire la suite
Le brevet de l’UE reporté sine die ou la montée en puissance du Parlement européen…
Par Céline Castets-Renard, IRDEIC
Si nous avions relevé le caractère historique de l’accord du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 (voir notre billet du 15 juillet) pour la création d’un brevet de l’Union européenne, parachevant 30 ans de négociations, l’épilogue n’est peut-être pas encore écrit.
Alors qu’un accord de principe avait été trouvé avec le Parlement européen et que le vote de ce dernier était suspendu à la seule question de la localisation de la juridiction UE du brevet, enfin tranchée par le Conseil européen du mois de juin, les euro-députés ont refusé de voter le texte début juillet. Ils choisirent de reporter leur décision en septembre prochain… Lire la suite
Bilan de la présidence danoise : l’accord historique du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 pour la création d’une juridiction EU en matière de brevet
par Céline Castets-Renard, IRDEIC
Le compromis trouvé le 29 juin 2012 par le Conseil européen dans ses conclusions est une étape décisive et historique en faveur de la création d’un brevet unitaire et d’une juridiction unifiée des brevets en Europe. Les chefs d’État ou de gouvernement des États membres participants ont convenus d’établir à Paris le siège de la division centrale du tribunal de première instance de la juridiction unifiée en matière de brevets (JUB).
L’accord doit encore être ratifié par les parlements nationaux et entrera en vigueur vraisemblablement début 2014, après ratification par les trois Etats dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens ont été délivrés (soit l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni). Lire la suite
Quand la justice européenne se prend pour une justice nationale
Par Jean-Sylvestre Bergé, EDIEC
L’espace judiciaire européen peut se targuer de belles réalisations. En soixante ans et, plus singulièrement encore depuis 1999, les avancées ont été considérables. Un droit européen de la coopération judiciaire s’est mis en place. En matière civile, l’approche est en passe de devenir globale, puisque sont dorénavant concernés le droit économique mais également le droit des personnes. En matière pénale le processus est plus long mais il est engagé avec notamment l’élaboration du très fameux « mandat d’arrêt européen ».
La question qui se pose aujourd’hui à l’ensemble des acteurs, spécialement des acteurs institutionnels, de cette coopération judiciaire est la recherche des moyens aptes à rendre le dispositif ” le plus accessible possible aux citoyens “.
A cet égard, je voudrais dénoncer ce que j’appellerais ici une « vue de l’esprit ».